La protection de la population civile au titre du droit international humanitaire: tendances et difficultés

Le présent article examine les difficultés qui se posent en vue d’assurer une protection adéquate aux civils en période de conflit armé, conformément au droit international humanitaire (DIH).

Alors que le DIH établit un cadre juridique complet visant à protéger les civils des effets des opérations militaires, le contraste est frappant avec la situation à laquelle les civils des régions touchées par la guerre font face sur le terrain. Dans la plupart des conflits armés contemporains, un pourcentage élevé des victimes sont des civils, que leur mort soit la conséquence involontaire des combats ou qu’ils aient été délibérément pris pour cible par les belligérants. Même dans les situations où les parties semblent déterminées à respecter les obligations qui leur incombent en vertu du DIH, les opérations militaires causent souvent de nombreuses pertes civiles et d’importants dommages aux biens de caractère civil.

Plusieurs tendances actuelles des conflits impliquent des souffrances accrues pour la population civile, notamment la prédominance des conflits armés internes, qui font souvent intervenir une grande diversité d’acteurs armés disposant de capacités variables et n’ayant pas tous la même volonté d’appliquer le DIH. Du fait de la nature souvent asymétrique de tels conflits, les belligérants peuvent être amenés à faire usage de moyens et méthodes de guerre illicites, par exemple en menant délibérément des opérations dans les zones civiles ou en feignant le statut de civil pour attaquer l’adversaire ou s’en prendre directement à la population. Les opérations militaires se déroulent également de plus en plus souvent en milieu urbain ou dans d’autres zones densément peuplées, exposant particulièrement les civils. Dans les conflits aux objectifs plus politiques, maintenir la légitimité et le soutien de la population civile est souvent essentiel pour la réalisation des objectifs tant militaires que politiques. La population civile se trouve ainsi au centre du conflit dans bon nombre des guerres contemporaines.

Cet article est axé sur la manière dont les parties aux conflits armés – des États et des groupes armés non étatiques – mettent en oeuvre des obligations qui leur incombent en vertu du DIH, en particulier concernant les règles de distinction, de proportionnalité et de précaution, qui sont les piliers de la protection des civils pendant les hostilités. Sur la base des conflits récents, il recense certains des défis principaux que posent les conflits contemporains en matière de protection.

Plus particulièrement, il examine les problèmes liés aux guerres en milieu urbain et aux situations de guerre asymétrique, et exprime aussi d’autres préoccupations plus générales relatives au choix des armes et à l’identification des cibles. Il se penche enfin sur les violations régulières du DIH, les civils étant pris pour cible de différentes manières, et sur les facteurs à l’origine de ces abus. Les difficultés signalées confirment l’avis général selon lequel les principaux obstacles à une protection adéquate des civils ne sont pas dus à l’inadéquation des règles de DIH, mais à la façon dont ces règles sont appliquées pendant les opérations militaires et à leur non-respect délibéré.

Le document conclu que les dommages causés aux civils dans les conflits armés peuvent globalement être classés en trois catégories – dommages imprévus, dommages incidents et dommages délibérés –, et que des mesures pratiques concrètes peuvent être énoncées pour chaque catégorie afin de réduire au minimum ces dommages. Enfin, il appelle tant les États que la société civile à débattre sérieusement des moyens de combler l’énorme écart qui existe entre la théorie et la pratique concernant la protection des civils au titre du DIH.